« L'herbier de Colette »

Colette's herbarium
song cycle of six pieces for Soprano and piano

Rose, Jacinthe, Orchidée, Anémone, Glycine, Ellébore
Rose, Hyacinth, Orchid, Anemone, Wisteria, Hellebore

Dedication : to Sandrine Piau

Composition : 2004-2006

Duration : around 20 minutes

Commissioned by the French State (Ministry of Culture and Environment)

Initiator of the project :
Dr Jean-Pierre Charliaguet
Varetz' Mayor
Vice-President of "Communauté d’Agglomération de Brive-la-Gaillarde",
in charge of turism
President of the Association « Colette en Corrèze »

First performance :
September 15, 2006, on the occasion of the National Heritage Days, in Varetz, Castel Novel Castle where Colette lived for some years.

Circumstances of the première :
Recital of the singer Sandrine Piau, accompanied by Christian Ivaldi, the programme of which was half German, half French, all about flowers and herbarium. The concert served as an announcement for the future opening of vast gardens called "Les Jardins de Colette" (carrying out in 2006-2007 on behalf of the "Communauté d'Agglomération de Brive"). The garden stands in the immediate vicinity of the park surrounding Castel Novel Castle, once owned by Henry de Jouvenel, Colette's second husband. It will be a nice place for turism purpose, focused on both nature and culture.

New programming :
October 27, 2007, in the same hall (Castel Novel Castle, Varetz, Corrèze), with Dorothée Lorthiois, Soprano, and Delphine Bardin, piano. The concert will be one of the events organized around the annual Brive's Book Fair, which is dedicated to Colette in 2007, under Edmonde Charles-Roux's presidence.

Commentary :
Despite the process of voice which is essentially and voluntarily melodic here (André Jolivet in his teaching composition untiringly kept telling his disciples : "music must sing by any means"), these pieces for Soprano and piano are not actually representative of the French melodic tradition.
On subjects which could have been pointless, Colette deeply talks about life.
Among the six "portraits of flowers" chosen for this score, all of them have something to do with the theatre. If some look like small dramas (Orchid, Wisteria), as a whole they can inspire a musician, as Hellebor, which is half way between a lullaby and a funeral song.
The composition aims were :
1) While setting the poetries to music, staying as close as possible to the text.
2) Eliminating any kind of experimental research since it would not fit the instrumental association of voice and piano.
3) Looking for a style of lyricism favorable to show the voice off, while observing and following the meaning of the text, which has to be kept perceptible.
The piano part is not just an accompaniement or a support to the voice. It was always designed to have a close relationship with the text and the vocal line as well. Sometimes it brings elements of figuralism and generally speaking it creates a kind of luminous environment around the vocal part.

Text :
Colette : Pour un herbier (extracts)

Rose

Au-dessous de ma fenêtre,
nous avons des rosiers âgés et florifères,
entre les flaques d’eau, les pigeons baigneurs,
les althaeas taillés en pelotes et les balisiers.
Ils ne sont morts ni des guerres, ni des gelées.

Au-dessous de ma fenêtre,
ces vieux rosiers prodigieux n’ont jamais manqué de fleurir,
de refleurir,
et de fleurir une fois encore avant novembre.

Roses du Palais-Royal, belles sans tache ni tare,
Roses sur tiges,
le bouton clos comme un œuf, puis inopinément ouvertes,
Roses qu’éveille au centre de Paris
l’arc-en-ciel prisonnier du jet d’eau,

Je cherche en quel éden cueillir les fleurs qui vous vaillent…

Jacinthe

Dans la forêt, on m’assure que sous les feuilles mortes
les cornes des jacinthes sauvages sont déjà longues d’un doigt.
Menaces, autant que promesses !
Une folle bat des mains : « à Pâques on ira camper !"
Mais une sage baisse le sourcil : « nous serons jolis, à la lune rousse ! »

Avant, c’est moi qui jetais le cri, qu’il fût d’alarme ou de joie,
c’est moi qui troussais les feuilles, qui interrogeais les bulbes anxieux.

Aujourd’hui, mon morose privilège me vaut, avant tout le monde,
un bouquet de jacinthes blanches qui parfument ma chambre.
Qu’ont-elles de commun avec cette haute et frêle fille des bois,
avec la jacinthe sauvage ?

O ma grosse jacinthe cultivée, ô ma citadine bien en chair,
je te sais gré de remplacer
ce qui désormais me manque et me manquera :
la floraison forestière bleue, spontanée et fragile,
innombrable assez pour que j’y puise l’illusion de côtoyer un lac,
ou un champ de lin bleu en fleur….

Orchidée

Je vois un petit sabot pointu, bien pointu.
Il est façonné d’une matière verte comme le jade.
Et sur le nez du sabot,
je vois un oiseau nocturne : deux grands yeux, un bec.
A l’intérieur du sabot,
quelqu’un - mais qui ? - a semé une herbe d’argent, inclinée.

Autour, asymétriques, cinq bras divergent.
Un beau labelle à fond blanc s’éploie au-dessous d’eux,
frappé d’un pointillé violet,
et figure, oui, figure la poche de la pieuvre ;
car, au fait, mon orchidée est une pieuvre :
Sinon les huit bras,
elle possède le bec de perroquet des octopodes.

Cinq bras seulement,
Qui t’amputa des trois autres ?
Qui ? Où ? Sous quels cieux ? Dans quel dessein ?

Du calme, du calme.
Merveille inaccessible du monde extérieur,
mon orchidée d’aujourd’hui est un songe difforme et plein d’attraits.


Anémone

Anémone, majesté de la fleur ronde !

Mes anémones que voici
ont voyagé sans boire
et n’en sont pas mortes, mais évanouies seulement.
Un bain d’eau tiède, et c’est presque par bonds qu’elles ressuscitent.

Le geste de l’anémone est d’une décision magnifique.

Elle se déploie de toutes parts,
comme un papillon crépusculaire qui,
derrière une persienne ou sur le tronc d’un pin,
étire sa première paire d’ailes grises
et dévoile soudain, rouge de framboise ou bleu clair de lune,
son jupon de fête nocturne.

Chaque anémone est une surprise de velours rouge, de violet.

Glycine

Sa folle floraison de mai,
sa résurgence de septembre
embaument les souvenirs de ma petite enfance.
Cette glycine se chargeait d’abeilles autant que de fleurs,
et murmurait comme une cymbale
dont le son se propage sans s’éteindre,
plus belle chaque année,
jusqu’à l’époque où j’appris ce qu’est sa puissance meurtrière.

La glycine commença à arracher la grille.
Je l’ai vue en soulever un imposant métrage.
Je l’ai vue en tordre les barreaux
à l’imitation de ses propres flexions végétales.
Il lui arriva de rencontrer le chèvrefeuille voisin,
le charmant chèvrefeuille mielleux à fleurs rouges.
Elle le suffoqua lentement
comme un serpent étouffe un oiseau.

Par un jour torride
où tout était propice aux mauvais songes,
j’ai visité la tour tronquée du Désert de Retz.
Je n’y retournerai pas.
Celle-ci regorgeait de meubles massacrés :
Devais-je redouter un reste maléfique de vie ?
Le bris soudain d’une vitre m’obligea à tressaillir :
un bras végétal, coudé,
en qui je n’eus pas de peine à reconnaître l’esprit reptilien des glycines,
venait de frapper,
et d’entrer par effraction !

Ellébore

On l’appelle rose de Noël.
Une bonne neige pas trop poudreuse
et des nuits d’hiver où passe le souffle d’ouest,
voilà qui convient à l’ellébore.
Inattendues, précieuses, prosternées, mais bien vivantes,
les ellébores hivernent.
Tant que la neige les charge, elles restent fermées.
Toute la plante proclame sa persistance émouvante.

Cueillie, ses coquillages sensibles desserreront leurs joints
à la tiédeur d’une chambre.
Chez moi, vous pouvez dormir le reste de votre sommeil pudique,
puis périr,
alors que la chaude neige eût pu,
ellébore,
vous tenir encore en vie.

 

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