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Le Journal dAnne Frank »
durée
: 27 minutes
A fait lobjet
dune commande de Radio-France, et a été composé
entre le printemps 1968 et la fin de l'année 1969 à l'intention
de la Maîtrise de Jeunes Filles de Radio-France, accompagnée
d'un petit groupe instrumental de huit musiciens comportant :
1 flûte, 1 harpe, 1 clavecin, 1 guitare électrique,
1 alto, 1 contrebasse, et une partie de percussion nécessitant
deux exécutants.
Cette oeuvre a donné lieu à un enregistrement dans les studios
de Radio-France en 1970.
Elle a été jouée en direct lors dun concert
à Douai en mars 2001. Les choeurs rassemblaient alors les enfants
des écoles à horaires aménagés, les élèves
du collège et une partie des voix féminines du choeur régional,
tandis que lensemble instrumental, dirigé par Pierre Vigneron,
était formé de professeurs du Conservatoire Régional.
Pendant la période de sa composition, le Journal d'Anne Frank a
été lu et relu ; et la visite de la Maison d'Anne Frank
à Amsterdam a constitué un choc émotionnel inévitable.
L'oeuvre, sorte d'Oratorio, se présente en dix épisodes
dont les textes sont extraits de la traduction française du "Journal
d'Anne Frank" par Tylia Caren (Le Livre de Poche, Editions Calmann-Lévy).
Le choix et la disposition de ces extraits ont nécessité
un soin particulier, afin de ne pas trahir l'évolution du drame,
qui se termine sur une note despoir : « je suis sûre
que tout redeviendra bon ».
Au cours de ces 27 minutes de musique, on suivra étape par étape
Anne Frank dans l'accomplissement de son destin : d'abord petite fille
insouciante, elle évoluera sous la pression de l'épreuve
vers une précoce maturité, qui lui permettra d'affronter
sa fin tragique avec un courage et une intelligence exemplaires.
Pourquoi
ce choix ?
Tout à la fois ce texte s'impose par un sens dramatique puissant,
et il s'adresse très naturellement à un ensemble vocal féminin
de jeunes adolescentes.
Extraits
choisis
1) Il ne faut pas beaucoup d'imagination pour comprendre cette éternelle
rengaine du désespoir : à quoi sert cette guerre ? Pourquoi
les hommes ne peuvent-ils pas vivre en paix ? Pourquoi y en a-t-il qui
souffrent de la faim, alors que dans d'autres parties du monde, la nourriture
pourrit sur place ? Pourquoi les hommes sont-ils fous ?
Une seule chose réconfortante : je peux écrire tout ce que
je ressens, sans cela j'étoufferais !
2) Quelle canicule ! Par cette chaleur, je parcours à pied les
distances. J'aimerais autant ne pas aller à l'école : depuis
qu'on m'a pris mon vélo ! Les vacances heureusement approchent.
Mais notre liberté est devenue très restreinte, et l'autre
jour, mon père a commencé à parler d'une cachette.
Pourvu que ces sombres projets ne se réalisent pas. Pas encore
!
3) Il me semble que des années se sont passées entre dimanche
matin et aujourd'hui. Que d'évènements ! Comme si le monde
entier s'était mis tout à coup sens dessus dessous. Il nous
a fallu partir, partir à tout prix, se cacher. Où irions-nous
nous cacher ? En ville ? A la campagne ? Dans une maison ? Dans une chaumière
? Quand ? Comment ? Où ?
J'étais hantée par l'idée de notre cachette. J'ai
emballé les choses les plus invraisemblables.
4) Il n'est pas de soir que des voitures militaires vertes ou grises ne
sillonnent la ville. Les Nazis sonnent à toutes les portes pour
faire la chasse aux Juifs. S'ils en trouvent, ils embarquent toute la
famille, sinon ils frappent à la porte suivante : ceux qui ne se
cachent pas n'échappent pas à leur sort. On dirait le marché
aux esclaves d'autrefois. Le soir, les hordes défilent: innocents
avec leurs enfants en larmes se traînent sous le commandement de
quelques brutes qui les fouettent et les torturent jusqu'à les
faire tomber : tous sont bons pour le voyage vers la mort.
5) Tous les huit, dans notre refuge, nous sommes comme un coin de ciel
bleu, entouré peu à peu de nuages sombres, menaçants.
Le petit cercle qui nous tient encore à l'abri ne cesse de se rétrécir.
Le danger approche. Nous cherchons une issue. De désespoir, nous
nous cognons les uns contre les autres.
Cercle, ô cercle, ouvre-toi devant nous !
6) La fin de la guerre est encore si éloignée. Un si beau
rêve !
7) Le soir, une fois couchée, je me vois : tantôt dans une
prison, seule sans mes parents ; tantôt errer sur la route ; ou
bien notre refuge est livré aux flammes ; ou encore on vient nous
chercher tous, la nuit. Je le vois, cela, comme si mon corps le vivait.
Je sens que ces catastrophes vont se produire d'un instant à l'autre.
La nuit dernière, j'attendais la police ; j'étais préparée,
prête comme le soldat au champ de bataille.
8) Le soleil brille, le ciel est d'un bleu intense, le vent est alléchant,
et j'ai une envie folle ... de tout. Je sens le réveil du printemps
dans mon corps et dans mon âme. J'ai la tête tout embrouillée
; je ne sais que lire, qu'écrire, que faire. J'ai une envie folle
... de pleurer.
9) Un silence mortel, déprimant, plane sur toute la maison : je
veux sortir, de l'air ! Je m'allonge et je m'endors pour raccourcir le
temps et l'épouvantable angoisse, car je n'arrive pas à
les tuer.
Que la fin vienne, même si elle est dure !
10) Je vois le monde transformé en désert, j'entends toujours
plus fort le grondement du tonnerre qui annonce notre mort. Et pourtant,
quand je regarde le ciel, je suis sûre que tout redeviendra bon.
Ces jours impitoyables prendront fin. Je suis sûre que le monde
à nouveau connaîtra l'ordre et la paix.
Éditions
Billaudot
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