Portrait
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Très attirée depuis sa petite enfance par la musique et les arts en général, la vocation d’Edith Lejet s’affirme lorsque, adolescente, elle découvre certains chefs d’œuvre du répertoire, la Symphonie Fantastique de Berlioz notamment. Après l’obtention d’un baccalauréat « mathématiques », elle se consacre pleinement à ses études musicales. Tout la passionne, que les matières soient théoriques, instrumentales ou musicologiques, et tout alimente sa réflexion sur la création artistique. Sans tarder elle est admise au CNSM de Paris. En composition elle sera élève d’André Jolivet, parfois remplacé par Henri Dutilleux dont elle apprécie fort la personnalité et l’enseignement. Parallèlement elle sera influencée par Maurice Ohana, rencontré lors d’un stage de musique concrète du GRM à Radio-France. De 1968 à 1970 elle est pensionnaire à la Casa de Velazquez à Madrid. En 1972, elle est nommée professeur de Solfège chanteurs au CNSM de Paris, où dès lors se développera sa carrière pédagogique : en 1987, elle y enseigne l’instrumentation et l’orchestration (interim de Marius Constant), puis, à partir de 1988, devient professeur d’Ecriture, tout d’abord chargée d’enseigner la fugue, avant qu’on ne lui confie en 1992 la création de la classe « Ecriture : Musique du XXème siècle », dont elle assurera la charge jusqu’en 2005. Depuis 2003, elle est Professeur de Composition à l’Ecole Normale de Musique de Paris. Les œuvres d’E. Lejet, soient-elles vocales ou instrumentales, reposent souvent sur une trame dramaturgique. Les aspects mélodique et harmonique, ainsi que la couleur des timbres, sont privilégiés. Très frappée par ce qu’un acteur, au théâtre, peut mettre en œuvre afin d’extérioriser le contenu expressif d’un texte (intonations, appuis, diction, respirations, débit etc.), elle a forgé depuis longtemps son style sur ces valeurs. Ses œuvres sont publiées par différents éditeurs. Elle a reçu de nombreuses commandes officielles (Radio-France, Ministère de la Culture etc.). Un disque monographique a été réalisé en 2004, et un ouvrage de Lin-Ni Liao, « La pensée musicale d’Edith Lejet » (2010, éditions de l’Observatoire Français, Université de Paris-Sorbonne) lui est consacré.
Extrait dun article de Pierrette Germain-David paru dans la revue mensuelle LÉducation Musicale en février 2002
Compositrice
secrète, idéaliste, réfléchie, ardente...,
ces qualificatifs sont une approche de la personnalité dÉdith
Lejet. Ils permettent de cerner sa pensée, guidée
par le besoin de trouver, grâce à une recherche intérieure
exigeante, son expression authentique. La conscience de sa vocation
lincite à une quête inlassable de la fidèle
transmission de ses intuitions : « Je suis intimement
convaincue, écrit-elle, que luvre dart
préexiste et quelle dépasse complètement
la volonté de lartiste qui doit rester humble : son
rôle est de mettre à jour des forces obscures qui sont
fondamentalement universelles, tout en reflétant un temps,
un lieu, une culture et une civilisation ».
Mais cette sorte « denfantement » appelle
un défrichement attentif, volontaire et patient des « forces
obscures ». Elles transparaissent dans limpérieux
besoin de créer et explosent dans les impulsions qui attirent
vers la page blanche.
Comment
Édith Lejet devint-elle compositrice ?
Pour elle, la page blanche fut dabord feuille de dessin et,
grâce à lincitation dun professeur dArts
plastiques qui linitiait aux fascinations du modernisme, grande
était sa tentation dy jouer des couleurs et des formes.
Pourtant cest du piano quelle joua avec le plus de dispositions,
poursuivant ses études générales au lycée
et, pour satisfaire le désir de son père, se préparant
au métier qui répondait le mieux à ses aptitudes
évidentes : le professorat dÉducation musicale !
Elle réussit donc le concours dentrée au centre
de préparation de La Fontaine et, la même année,
fut reçue dans les classes dHarmonie et dEsthétique
du CNSM de Paris où elle entra et où elle suivit ensuite
la classe de Composition. Elle obtint le Professorat des écoles
de la Ville de Paris et enseigna quelques années mais, parallèlement,
elle avait été lauréate du Prix de Rome, de
la Casa de Velazquez et en 1972, à 31 ans, elle est nommée
professeur de Formation musicale au CNSM.
La
classe de composition d'André Jolivet, 1968
Quavait-elle
alors composé ?
Plusieurs de ses oeuvres ont déjà été
créées à cette époque. Lune au
Festival dAix-en-Provence, dautres par la radio, notamment
le « Monodrame » pour violon et orchestre
(1969) et « Le Journal dAnne Frank »,
pour choeur de femmes et petite formation. Cest dans une grande
intensité de la pensée musicale quest ici évoquée
lévolution du drame, depuis linsouciance enfantine
jusquà la paix finale. Enregistré en 1970 par
la Maîtrise de Radio-France, il vient, en mars dernier, dêtre
présenté à Douai, grâce au Conservatoire,
aux classes à horaire aménagé et au choeur
régional.
Le choix de traiter ce sujet correspond à lorientation
intime quelle souhaite donner à sa production, en linscrivant
dans la lignée de celles qui portent un message humain profond
: « Je trouve mes pères, dit-elle, là où
la musique est porteuse démotion. Je me sens assez
étrangère aux recherches qui ne sont quintellectuelles
et spéculatives... Jaccorde une grande importance aux
valeurs que représentent la spontanéité et
lintuition ainsi quà la fraîcheur quelles
génèrent ».
Chez
Maurice Ravel à Montfort l'Amaury avec Charles Chaynes
et Manuel Rosenthal.
Quelles
sont ses racines et affinités ?
Elle se reconnaît une filiation qui remonte à Debussy
dont les couleurs modales « entraînant des accords
nouveaux » la séduisent. Quil sévade,
par là, de lharmonie fonctionnelle et use dun
matériau qui « lentraîne à
remettre en question des notions de base concernant le rythme et
la forme » la confirme dans ses vérités
personnelles. Chez Ravel, qu« elle aime profondément »,
elle goûte notamment la qualité de la finition, et
elle parle avec admiration de Dutilleux et de Ohana auxquels elle
se sent « spirituellement apparentée ».
Lémerveillement et le réconfort éprouvés
dans la contemplation doeuvres dart, quil sagisse
darchitecture, de sculpture, de peinture, de littérature
ou de musique ont façonné sa foi en une haute valeur
de lArt. Ainsi la conviction intransigeante quil doit
« sélever vers un idéal »
nourrit sa pensée et laide dans le voeu dapporter
sa contribution au patrimoine culturel de notre époque.
Ces goûts et ces intentions se reflètent dans le style
quelle se façonne, caractérisé par la
fermeté, la concision et une application originale de la
science de lécriture. Sa maîtrise du contrepoint,
son acuité harmonique et son imagination modale fondent la
spécificité de son langage. Reste, pour chacune des
partitions, à sattacher à ce qui est aussi une
de ses principales préoccupations : la qualité de
la coloration et la « justesse des proportions ».
(Texte reproduit avec l'aimable autorisation de Francis B. Cousté et Pierrette Germain)
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